Dorian Amar

La métamorphose d'un monde

Nous assistons depuis deux décennies, plus particulièrement à partir des années 2010, à une transformation profonde de notre société. Son modèle et son organisation s'ébranlent chaque jour un peu plus. Sa structure vacille, semble sur le point de s'écrouler, et comme un barrage qui s'apprête à céder, menace de tout emporter. Les bouleversements écologiques, économiques et sociaux, sont les conséquences de cette érosion. À la vue de ce temple aux colonnes fissurées, acteurs et spectateurs se précipitent alors dans l'arène, les uns cédant à la panique, les autres à la violence ; le spectacle est saisissant, à la fois triste et fascinant.

Un système se définit comme un ensemble d'éléments organisés, interagissant entre eux et avec leur milieu. Lorsque dans la nature l'un d'entre eux tombe malade, il se répare. Il arrive parfois que le corps soit à ce point dégénéré qu'il lui devient impossible de perdurer. Il se passe alors un phénomène de transformation de la matière et d'échange d'énergies et d'informations : l'ensemble meurt afin de laisser sa place à un nouvel organisme, qui pour se développer assimile le précédent ; c'est qu'une graine pour germer a besoin de matière morte décomposée ; et il n'en va pas autrement pour notre modèle sociétal.

Il y a des moments où dans la confusion et l'abandon d'un espace les éléments prennent une disposition nouvelle, comme une possibilité évidente de ce qui précède. Le cycle est aussi immuable que nécessaire. Il suffit alors de l'accepter : « Pour rénover le monde, il faut que les hommes eux-mêmes changent de voie » (Dostoïevski, 1879). Le monde de la terre, qui est aussi celui des vignerons, est probablement un des secteurs les moins disposés aux changements, lorsque ceux-ci sont violents ! Le paysan aime à observer, à contempler, à méditer, et prend le temps d'assimiler l'ambiance et l'atmosphère ; et les œnologues le savent bien : la fermentation, cette effervescence qui précède le mouvement, nécessite une certaine quantité de cellules pour démarrer ; les premières bulles nucléées sont peu nombreuses au moment de s'élever, et peinent parfois à se détacher du noyau. Elles le font pourtant, à travers le rythme immuable qu'elles communiquent dans leur déplacement.

Le lecteur trouvera dans les livres proposés sur ce site quelques pensées sur l'Homme et le Divin. Il y découvrira un discours didactique où le vin sert de support à un dialogue sur un monde plus proche de la nature et de ses manifestations, à travers un regard contemplatif des rythmes qu'imprime le temps sur le vivant ; susciter l'émerveillement, partager l'ivresse d'un discours sans cesse renouvelé, c'est ce que du fond de son caveau le vigneron peut offrir de plus beau.

Mars 2020